lundi 2 mars 2015

Rencontre avec le Mouvement Français pour un Revenu de Base : un compte-rendu.

Le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) a organisé son assemblée générale annuelle le 28 février à la mairie du 2ème à Paris. Ses organisateurs cherchaient un lieu pour se retrouver le samedi soir pour poursuivre  les échanges de manières plus informelle, et ils ont décidés de le faire à La Paillasse. Etant un habitué des lieux, et intéressé par le revenu de base, j'ai profité de cette occasion pour aller à leur rencontre...

Samedi soir, à La Paillasse avec @inner_force (C.) et certains de ses contacts, pour y rencontrer des membres du Mouvement Français pour un Revenu de Base, avec notamment Stanislas Jourdan et Etienne Hayem.

Comme nous étions en avance, nous avons bu un café dans un bar en attendant un de ses potes, M.. Nous avons discutés des Indignés de La Défense, au cours de l'hiver 2011 / 2012. Nous en avions fais tout deux partis.

Nous avons convenu que la grande erreur a certainement été d'avoir décidé d'occuper La Défense, et non le Parvis de l'Hotêl de Ville de Paris. A la Défense, nous devions nous défendre nos seulement contre les flics, mais aussi contre les conditions climatiques qui ne permettaient pas d'être sereins, le vent, les ego de certains, les dissensions politiques. Surtout, les AG devenaient plus des foires d'empoignes, des luttes d’ego, avec des objections radicales venant de personnes n'acceptant pas de faire des compromis sur leurs convictions politiciennes.

Oui, avec le recul, ce mouvement avait bien peu de chance d'être un succès dans de telles circonstances. Cependant lorsque j'y étais, nous avions montés un groupe de travail avec d'autres personnes, que je fréquente toujours. Il est d'ailleurs instructifs de voir leur parcours : certains se sont mis aux jardins partagés, aux AMAPS, à la Guerrilla Gardening, allant jusqu'à devenir membre d'EELV, un autre s'est orienté vers Etienne Chouard et ses expérimentation sur la constitution citoyenne, l'une est partie sur les routes à bord d'un camion, un dernier s'est s'est intéressé plus spécifiquement aux monnaies.

C., quant à lui, avait essayé de continuer dans un squat après la fin du camp de La Défense. Problème au bout d'une semaine, deux types commençaient à laisser traîner dans l'air qu'il fallait un chef. Et toujours cette question d'égo. D'autant plus qu'ils allaient carrément jusqu'à la paranoïa : le squat était situé dans un ancien bar, la porte était couverte selon l'un d'impact de balle, il leur fallait donc s'armer de machette voire d'armes à feu. Après cela, C. n'est pas resté très longtemps.

Arrivé à La Paillasse, à l'heure, il n'y avait encore personne.

Assemblée virtuelle


Finalement, nous nous sommes posés à l'intérieur, continuant à discuter debout à côté de deux femmes assises en train de manger. C. a proposé de s’asseoir autour d'une table, une des femmes nous a dis que nous pouvions nous asseoires avec elles, parce que la discussion les intéressaient aussi. Parmi les contacts de C., il y avait un membre d'Assemblée Virtuelle et des Chemins de La Transition (T.), qui m'a expliqué le projet sur lequel il travaille : un logiciel de web sémantique, capable de retrouver des informations et de les corréler.

Cela fait écho avec mes propres réflexions sur la gestion documentaire, que j'avais entamé à l'époque des Indignés, lorsque je m'étais rendu compte que des informations ayant traits à l'organisation avaient déjà été écrites dans le vaste internet, mais qu'il était difficile de les retrouver facilement. A cette époque, nous en étions arrivé à la conclusion qu'il fallait créer une bibliothèque (physique), avec des gens à l'accueil, sachant retrouver les informations. Aujourd'hui, avec internet, il est de plus en plus facile de conserver les informations : on n'a que l'embarras du choix des outils, entre les wiki, les plateformes de travail collaboratives, les framapads, sans même parler des réseaux sociaux comme Facebook où il est facile de créer des pages pour des groupes de travail. On peut produire l'information et la partager sans difficultés... mais comment l'indexer et la retrouver ?...

Dans les années 90, Michel Authier et Pierre Lévy avait proposé l'idée des Arbres de la connaissance (https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_connaissances), qui était une représentation de la connaissance au sein d'un groupe comme une entreprise ou une association. Surtout, les postulats sur lesquels ils avaient bâtis leur théories me paraissaient très pertinents :

- Tout le monde sait quelque chose,
- Personne ne sait tout,
- Je ne sais pas mais l'autre sait.

Le modèle des arbres de la connaissance donnait à chaque intervenant des "blasons", représentant l'ensemble de ses connaissances composées de "brevets" validées par des "diplômes" (sachant que chacun pouvait créer ces brevets rattaché à une connaissance qu'il possédait, par exemple une recette de cuisine, validé par la capacité à l'exécuter), une hiérarchie entre les connaissances (un brevet peut être nécessaire pour en acquérir un autre).

Le programme développé par T. au sein de l'Assemblée virtuelle me faisait grandement penser à cela.

Un peu plus tard, M. nous a parlé du film qu'elle voulait faire, un documentaire fiction sur son histoire personnelle, initiatique. Ce qu'elle souhaite faire est de parcourir une région avec un cheval, à la rencontre des lieux alternatifs.

Le Cocon de la Paillasse


Pendant ce temps, les membres du Mouvement Français pour un Revenu de Base ont commencé à arriver. Nous nous sommes levés pour faire le tour du propriétaire et voir les différents ateliers au sous-sols. J'ai présenté le Textile-Lab, les différents projets, et après nous être perdus dans ce petit labyrinthe nous avons trouvé le Cocon. Je n'avais que très vaguement suivi cette innovation dans la newsletter de La Paillasse : l'installation d'un caisson d'isolation sensoriel. Justement, Alexandre, qui l'avait développé, travaillait dessus. C'était une pièce immense. Il nous expliqua que pour fabriquer le moule du cocon, il avait fallu produire des centaine de pièce de plastique avec une imprimante 3D, les assemblées comme un igloo, créer le moule, puis créer le cocon dessus en fibre de verre. Ce procédé, très long, avait pourtant rendu le projet viable : s'ils étaient passés par des entreprises professionnelles, cela aurait coûté 65 000 euros plus cher, ce qui n'était pas envisageable.

Pensant à l'électro-sensibilité, j'ai demandé si le cocon était isolé des ondes ambiantes. Alexandre m'a répondu que oui, principalement parce que l'un des buts est de travailler avec le CogLab, et donc, d'installer des capteurs genre électrocardiogramme ou EEG pour prendre des mesures pendant les séances, sans être parasité par le bruits électronique alentours.

En bref, si vous voulez vous isoler du monde extérieur pendant une heure, y compris des ondes électromagnétiques, il vous sera bientôt possible de le faire à La Paillasse.

Un jeu sur la monnaie n'est pas forcément un jeu d'argent


Une fois de retour, nous avons parlés du bitcoin et de la monnaie, dont les SEL. Beaucoup de choses pourraient être expérimentées, comme par exemple une "économie du like". De toute façon, on est sur le point de passer à une société où la réputation aura plus d'importance que le capital. Ce qui est paradoxal avec les SEL, c'est que la plupart du temps, les gens n'utilisent plus les billets en question, et se contentent de se faire confiance. Cela recréer donc du lien social.

T. a émis l'idée de produire un jeu de plateau pour illustrer ces concepts.

La plupart des jeux de plateaux sont centrés sur la compétition et non la collaboration, l'emblématique jeu d'argent du Monopoly en premier. D'un autre côté comme le montre Jane Mac Gonigal, le jeu peut être la source de beaucoup d'apprentissage et de changements.

Cependant des jeux orienté collaboration plus que compétitions existent, comme par exemple L'île interdite (http://fred-h.net/blog/2010/10/25/lile-interdite/), voire http://www.jeuxdenim.be/jeu-Room25.

L'idée serait un jeu sur la création de monnaie. Le but "secondaire" du jeu est qu'à un moment, on se rends compte qu'il n'y a plus besoin d'utiliser les monnaies pour les transactions.

Il y a des réflexions sur les jeux au FabLab de Gennevilliers. Dans le domaine des fablabs, justement, nous avons également parlés d'OpenDesk, une plateforme fournissant des plans de meubles de bureaux à découper soi-même à la découpeuse laser.

Le Mouvement Français pour un Revenu de Base


Nous nous sommes dirigés vers les membres du Mouvement Français pour un Revenu de Base. J'ai demandé à l'une des participante comment elle faisait pour répondre aux détracteurs du revenu de base, qui considèrent que tout travail mérite salaire, et ce genre d'objection.

"Quand on me dit "Tout travail mérite salaire", généralement je réponds "oui, et tu enfanteras dans la douleur".", me répondit-elle.

Effectivement : "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front" et "tu enfanteras dans la douleur" sont des expressions ayant la même origine...

Mais quelles sont les objections qui viennent en premier lorsqu'on parle du revenu de base aux gens ? D'abord, "tout le monde s'arrêtera de travailler", ensuite, "comment le financera-t-on ?", et enfin, lorsque les gens y réfléchissent plus, que ça augmenterait l'inflation.

Ensuite, j'ai discuté avec Stanislas Jourdan, fort de toute ma méconnaissance au sujet du revenu de base. Ce que j'en avais lu du principe, c'était qu'on enlève toutes les aides sociales, pour les remplacer par un revenue de base que tous les citoyens percevrait. Les chiffres que j'avais lu allaient la plupart du temps de 400 à 800 euros, cela me paraissait vraiment trop peu pour vivre décemment à moins d'avoir au moins un mi-temps à côté.

Cependant la proposition concrète du MFRB est un peu différente : il est évident qu'avec 500 euros, il y aura encore des aides comme les APL.

Du point de vue de l'évolution, il sent qu'il est de plus en plus facile de parler du revenu de base. C'était 10 personnes sur Twitter il y a 2 ans, alors qu'aujourd'hui le mouvement touche presque 5000 abonnés sur Twitter, 17 000 likes sur Facebook, et 400 adhérant dans l'association.

De plus, des partis politiques sont intéressés par ces idées, comme Nouvelle Donne ou EELV. Bien que la plupart des membres soient de sensibilités plutôt à gauche, il compte également des personnes à droite pour qui l'idée du revenu de base est un prolongement de la charité chrétienne, voire des libéraux, qui voient les avantages que pourraient tirer les entreprises d'une plus grande flexibilité au travail.

Aujourd'hui le MFRB travaille à l'échéance des élections présidentielle de 2017. Si les partis politiques sont bien au courant de ses idées, et peuvent même être à l'écoute, il reste un gros travail à faire avec la société civile. En effet le sujet du revenu de base est tellement clivant que la plupart des sommets des organisations structurés hiérarchiquement ne veulent pas se mouiller.

J'étais au courant de l'expérience réalisé à Namibi, où un revenu de base a été distribué pendant deux ans, avec pour conséquence une baisse de la criminalité et du chômage, une augmentation de la scolarité et des revenus. Mais le revenu de base a-t-il déjà été expérimenté dans des pays industrialisés ? Ca a été le cas au Canada, aux USA et en Alaska. Dans ce dernier cas, l'état reverse aux citoyen le capital d'un fond souverain basé sur les bénéfice de l'exploitation pétrolière. Cette idée me fait bondir à cause de ma méfiance quant à l'utilisation du pétrole ; cependant il a été noté que l'argent reversé aux citoyens les ont incités à s'intéresser à son origine, et à s'impliquer politique pour se l'approprier.

Résolument tourné vers l'avenir. "Peut-être que dans 200 ans, on envisagerait de remplacer le revenu de base par quelque chose d'encore plus novateur, et alors des vieux réactionnaires ne serait pas d'accord".

En conclusion, le revenu de base n'est plus utopie irréalisable, puisqu'il a déjà été expérimenté avec succès. Les questions à se poser sont désormais de savoir quelles seront les modalités de sa mise en place. Et puisque cette idée fait son chemin, une application concrète de celle-ci est tout à fait possible durant la prochaine présidence, entre 2017 et 2022.

Fin de la soirée.


La soirée touchait à son terme ; nous avons rangés, et nous sommes partis. Pendant le trajet avec C. et M., nous avons encore discuté de l'avenir, du foisonnement d'idées que nous observons dans le milieu associatif que nous parcourons. Nous sommes tous tous cependant conscient qu'avec la déplétion du pétrole et la crise, l'avenir risque d'être difficile. Surtout, j'ai peur d'une main-mise de l'extrême-droite, voire de l'ultra-droite sur les idées que nous développons : des fafs du genre survivaliste s'intéressent déjà à la permaculture, ou tentent de monter une sorte "d'écologie identaire". Iraient-ils jusqu'à être capable de récupérer les principes des hackerspace, ou leur principes fondateurs s'y opposeront-ils structurellement ?

Références


Les arbres de la connaissances : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_connaissances

Descriptif assez complet du principe : http://gabriel.gallezot.free.fr/Solaris/d01/1levy.html

Le cocon d'isolation sensorielle à La Paillasse : www.meiso.fr

Jane Mac Gonigal : "Le jeu peut rendre le monde meilleur ?" https://www.ted.com/talks/jane_mcgonigal_gaming_can_make_a_better_world?language=fr

L'île interdite, jeu collaboratif : http://fred-h.net/blog/2010/10/25/lile-interdite/

Fablab de Gennevillier : http://www.faclab.org/


Mouvement Français pour un Revenu de Base : http://revenudebase.info/



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire